Le Congo, pays pillé: quand la richesse devient malédiction

Par Cheikh Fall, The Third Path Africa

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Washington DC 30 Juin 2025

De la brutalité de la colonisation à la ruée contemporaine vers le cobalt, le coltan et le lithium, la République démocratique du Congo porte depuis trop longtemps une malédiction tragique: celle d’être immensément riche et systématiquement sacrifiée.

Son territoire est violé à répétition, son peuple déplacé et ignoré, ses forêts absorbent le carbone de la planète — pendant que le monde détourne le regard. Aujourd’hui encore, alors que l’est du Congo s’embrase, il est temps de nommer la vérité sans détour: le Congo ne traverse pas simplement une crise. Il est pillé — méthodiquement, violemment — pendant que le silence s’achète contre des minéraux.

I. Le rôle du Rwanda et le prix du développement

Soyons clairs: le Rwanda est l’agresseur dans cette guerre.

Derrière le prétexte sécuritaire, Kigali a mené des opérations militaires, soutenu des groupes armés et facilité l’extraction illégale des ressources congolaises. Ce schéma est bien documenté, longuement dénoncé, mais régulièrement minimisé — quand il n’est pas sciemment ignoré.

Cette agression n’est pas isolée. Elle est appuyée, parfois en coulisses, par des États puissants et des multinationales qui fournissent un appui logistique, militaire ou financier — en échange d’un accès privilégié aux minéraux stratégiques du Congo, à des prix inférieurs au marché, voire sans contrepartie réelle.

Ainsi, le développement économique du Rwanda s’appuie sur des richesses arrachées au Congo. Et l’inaction internationale se drape de «neutralité» pendant que les Congolais paient le prix.

II. Une médiation africaine ignorée, une dignité bafouée

L’Afrique n’a pas été passive.

La Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), sous la direction du président William Ruto, s’est engagée sans relâche dans des initiatives diplomatiques. La SADC, portée par le président Cyril Ramaphosa, a soutenu des efforts de stabilisation. Et le président João Lourenço d’Angola a multiplié les médiations — dans l’esprit de la tradition africaine du dialogue sous l’arbre à palabres, où la dignité précède le verdict.

Mais le Rwanda a non seulement ignoré ces démarches — il les a activement sapées.

Il a tenté de décrédibiliser ses pairs africains, de douter de leur impartialité, et de saboter une résolution véritablement africaine. Pourtant, lorsqu’un acteur comme le Qatar — riche et influent — a proposé sa médiation, le Rwanda s’est aussitôt plié à l’invitation. Pourquoi ? Par intérêt. Il ne pouvait se permettre d’irriter un partenaire stratégique.

Le même schéma s’est produit avec les États-Unis: une pression diplomatique ciblée a suffi à faire plier Kigali. Ce qu’il a refusé à ses pairs africains, il l’a concédé à des puissances extérieures. Même lorsque la médiation africaine offrait une sortie honorable et souveraine.

III. L’Occident, arbitre intéressé

Il faut le dire sans ambiguïté: les États-Unis ne sont pas un médiateur neutre. Ils ne recherchent pas uniquement la paix — ils visent une paix qui leur soit utile.

Derrière les discours publics se cache une ambition géostratégique: sécuriser l’accès aux minéraux rares, renforcer leur présence dans la région, et inscrire une victoire diplomatique au crédit d’une administration en quête de trophée — jusqu’à convoiter, peut-être, un Prix Nobel de la Paix.

Et pendant ce temps, les Congolais continuent de vivre dans le silence, la précarité et l’oubli. Parce que la neutralité devient une façade. Et que l’indifférence se monnaie en influence.

IV. Justice reportée, souveraineté niée

La paix véritable ne se résume pas à l’arrêt des combats. Elle suppose la vérité, la dignité et le respect du droit.

Il est temps de créer une “Autorité africaine pour la gouvernance des ressources minières”, dotée de pouvoirs réels et de moyens effectifs. Une structure capable de défendre les peuples, pas seulement les flux de capitaux.

Il est temps aussi de redonner toute leur place aux “instances régionales africaines”, non comme supplétifs diplomatiques, mais comme auteurs d’une paix fondée sur la proximité, la sagesse, et la souveraineté.

Et surtout, il est temps que la stabilité du Congo ne soit plus acquise au prix de la souffrance du peuple congolais.

V. Une vérité pour la planète

Le Congo, ce n’est pas qu’un conflit. C’est la deuxième plus grande forêt tropicale du monde. C’est le poumon oublié de la planète. C’est le cœur battant de la transition énergétique mondiale.

Ce n’est pas seulement une guerre qu’il faut arrêter. C’est un système qu’il faut briser : celui où l’agression est rentable, la neutralité complice, et la vérité différée.

Le monde ne peut plus exiger que le Congo saigne en silence pendant qu’il respire à sa place.

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